COMMUNIQUÉ DE PRESSE Recul à l’échelle de l’Europe

Le Bureau européen pour l’objection de conscience (EBCO) présente son Rapport annuel 2017 sur l’objection de conscience au service militaire en Europe, à l’occasion de la Journée internationale des droits humains (10 décembre).

« En 2017, les efforts pour faire reconnaître les droits des objecteurs de conscience au service militaire ont connu à nouveau un recul en Europe », a déclaré aujourd’hui Friedhelm Schneider, président de l’EBCO. « Apparemment, les préoccupations dominantes des politiques européennes ont porté moins sur la promotion des droits humains que sur les projets économiques et l’intention de renforcer la coopération et les dépenses dans le domaine militaire. À l’évidence, un contexte de militarisation progressive ne facilite pas la mise en œuvre du droit fondamental à l’objection de conscience au service militaire. Par conséquent, en 2017 la question de l’objection de conscience n’a pas figuré au programme politique des institutions européennes – alors même que l’on doit toujours déplorer des violations massives et répétées de ce droit. »

Derek Brett, coauteur du rapport, en présente les constats essentiels :

« Hélas, nous recevons maintes informations sur la poursuite des violations des droits des objecteurs de conscience, en Europe et dans des pays extérieurs qu’ils fuient pour chercher asile en Europe.

Il y a près de douze ans, un arrêt historique de la Cour européenne des droits humains a pour la première fois condamné la persécution d’un objecteur de conscience, dans l’affaire Ulke c/ Turquie. Non seulement la Turquie n’a jamais donné suite à cet arrêt, mais en novembre 2017, Osman Murat Ulke, convoqué pour faire une déclaration, a découvert qu’au mépris direct de la Cour européenne, le dossier original qui le concernait, et qui remontait aux années 1990, avait été rouvert.

En Grèce également, des poursuites ont été lancées contre Panayotis Makris au sujet de son refus du service militaire, qui remonte à 1990.

La Russie a entrepris de criminaliser l’appartenance aux témoins de Jéhovah, qui jusqu’à présent fournissaient le gros des admis au service civil de remplacement.

En Suisse aussi se trouvent en discussion des propositions qui visent explicitement à rendre le service civil moins attrayant ; si elles devaient être adoptées, elles iraient exactement dans la direction opposée aux « bonnes pratiques ».

L’augmentation du nombre des États qui débattent de la réintroduction de la conscription représente une tendance particulièrement préoccupante, bien que pour le moment, beaucoup de ces plans se contredisent en se présentant comme basés sur le volontariat. Non sans ironie, on voit en même temps d’autres États essayer de faire passer pour des volontaires ceux qui font le choix d’accomplir leur service militaire obligatoire avant l’âge minimal. Dix-huit ans après l’adoption du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans des conflits armés, c’est une honte que le recrutement de personnes de moins de 18 ans n’ait pas encore été éliminé en Europe.

Cependant, le tableau n’apparaît pas totalement sombre. Bien qu’il y ait encore des progrès à faire, un nombre croissant d’objecteurs de conscience au service militaire obtiennent l’asile, ou au moins le statut de protection. Il y a des discussions encourageantes sur l’amélioration de la législation en Grèce, et sur la possibilité d’introduire des dispositions en faveur des objecteurs de conscience dans la partie septentrionale de Chypre occupée par la Turquie, ce dont pour le moment on ne peut pas rêver en Turquie même. »

Se tournant vers nos sources durables d’inspiration, le président Friedhelm Schneider, dans l’avant-propos du Rapport, rend hommage à Simone Veil, décédée le 30 juin 2017 : « C’est grâce au plaidoyer convaincant de Simone Veil que le 7 février 1983, le Parlement européen, à une nette majorité, a adopté sa première résolution exhaustive sur l’objection de conscience. Lors du débat qui la précéda, Veil combattit une proposition selon laquelle l’objection de conscience ne concernait que des marginaux sociaux. À cet égard, elle souligna que l’objection de conscience au service militaire devait être reconnue, dans le cadre des droits humains, comme un droit qui, de plus en plus, s’inscrivait parmi ceux qui sont essentiels pour l’individu. »

Pour Martina Lucia Lanza, coautrice du Rapport et déléguée de l’EBCO au Forum européen de la Jeunesse, « Les jeunes de toute l’Europe doivent s’unir contre le service militaire obligatoire et exiger que leurs gouvernements investissent dans l’éducation, la recherche, l’emploi, la santé et la culture, plutôt que dans la conscription et les forces armées. »

L’EBCO presse les États membres du Conseil de l’Europe qui ne respectent pas encore le droit humain à l’objection de conscience au service militaire, de mettre leurs législations et leurs pratiques en conformité avec les standards européens et internationaux en matière de droits humains.

Le texte intégral [en anglais] du Rapport 2017 sur l’objection de conscience au service militaire en Europe peut être téléchargé depuis le site www.ebco-beoc.org